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Behind The Scenes | NABIL SAOUABI


18 Mai 2023 - 15 Juillet 2023 | Bhar Lazrag


Cette exposition du nouveau travail de l’artiste sera une expérience visuelle transcendante qui nous fera voyager dans l’espace et le temps entre les registres et les thèmes chers à l’artiste en bouleversant les limites entre le réel et la fiction.

De la peinture d’histoire, au cinéma, à l’île aux trésors de Stevenson, le travail de la mise en scène est poussé dans des lieux jusque lors inexplorés par l’artiste ; avec des personnages de chefs d’œuvre des personnages Disney, des autoportraits, des bateaux en papier, des figurines, des oiseaux, des paysages renversés…

Behind The Scenes, ou dans les coulisses, l’artiste se fait tranquillement pousser des fleurs sur la tête, il se métamorphose et son œuvre aussi se métamorphose, prenant place dans un décor d’arbres, de fleurs, de pierres, de paysages dans une palette exubérante couche par couche élément par élément, qui se dérobe à l’impression et parait vaciller entre le naturel et l’artificiel. Les paysages peints, ne sont pas synonymes de nature ils sont la transcription de la fascination intérieure de l’artiste dans son rapport au monde.
C’est une œuvre multiforme dans sa genèse, qui emprunte au roman d’aventure, à la littérature, à l’histoire de la peinture, au cinéma et même au dessin animé les facettes de sa construction et de son élaboration. Elle y puise des codes et des signes pour élaborer sa propre syntaxe.

L’artiste a procédé à une fusion quasi parfaite et une syntonisation virtuose d’une multitude de références, de thématiques et d’éléments. Pour aborder ses œuvres il faudra s’accorder le plus parfaitement possible aux rythmes qu’elles proposent et aux conduits qui la font fonctionner. Les thèmes, les genres, le matériel investis par l’artiste échappent des fois à la compréhension globale de son œuvre qui justement se refuse à une compréhension globale et galvaudée, pour renfermer dans ses infimes composantes le sens primordial de l’expression de l’artiste.


Behind the Scenes est un film, un roman, un scénario une exposition de peinture, une fiction ? Behind the Scenes est une forme qui a introduit un style. Un style qui contient un esprit, un tempérament, une conception imagée du monde et du rapport au monde. Un style qui dans la diversité de ses ressources, ses influences et ses références a pu s’installer et s’instaurer pierre par pierre.


ARTISTE: NABIL SAOUABI


︎ Viewing Room


Oeuvres


Chapitre I : Citation et peinture


La citation est un art, une besogne qui doit ouvrir ou re-ouvrir sur un ailleurs sur un au-delà. La citation chez N.S est synonyme de questionnement d’une histoire, d’un héritage, une tradition qu’est la peinture. Il explore les arcanes de l’histoire de la peinture, et pas que d’ailleurs, de la littérature aussi. Tout ce qui peut ébranler ses sens est mis en œuvre dans son travail de manière explicite ou implicite.

Les soldats de l’Exécution de Maximilien d’Edouard Manet est une citation bien explicite. Au côté de blanche neige, les soldats de Manet sont transformés en soldats de plomb semblables à des jouets, des figurines au fin fond d’une forêt aux couleurs flamboyantes. Une fumée rose glamour leur sort des fusils comme une poudre de maquillage sur le visage de blanche neige.
L’idée de Manet dans cette œuvre qui date de 1868/1869, était de dénoncer les scènes de guerre et l’horreur perpétré au vu de tous; et N.S voulait pousser cette idée jusqu’au bout avec une mise en scène dans les limites de l’extravagance. En citant l’œuvre de Manet NS s’engage dans la même lignée, ayant lui-même déjà travaillé sur l’image de guerre par le passé. Il pousse aujourd’hui cette idée avec un esprit vif et aiguisé, plus conscient des éléments picturaux qu’il manipule.

Avec Le Pied Bot de José de Ribera c’est une tout autre histoire, s’agissant toujours d’histoire, il est question de positionnement artistique dans l’histoire de la peinture qui mêle émerveillement, fascination, et identification comme c’est le cas aussi pour Goya et Stevenson.
Un personnage, un garçon dont l’âge est incertain, avec une infirmité au pied, habillé vétustement de marron, brandissant une canne et un papier sur lequel on peut lire «Nothing». Le personnage de Ribera trône sur une crête verdoyante au milieu et en légère contre plongée il est entouré d’arbres et de verdure.
La citation du Pied Bot de Ribera est une résonnance, une sorte de réverbération qui s’invitait comme une nécessité de rendre hommage mais pas que; il s’agissait aussi et par-dessus tout de célébrer le Chef d’œuvre ou la maîtrise. C’est par là une façon à l’artiste de réécrire sa propre histoire de la peinture ou la peinture de sa propre histoire.
Le degré de maîtrise du pied bot réside dans l’idée de créer du beau, du sublime à partir du laid et de l’infâme c’est en cela la particularité de cette œuvre qui à son époque (1642) n’était pas aussi éligible et intelligible qu’aujourd’hui.
«Nothing», rien, il n’y a rien d’autre que l’art pour recouvrer l’humanité, il n’y a rien d’autre que l’art pour cheminer dans le chaos du monde.



Chapitre II : Le paysage


Autour des peintures de N.S, flâne un genre de mystère; mais un mystère qui ne demande aucunement d’être élucidé ou éclairci, un mystère qui se charge de rythmer les images entre elles. Un mystère produit par une certaine plastique qui nous fait chanceler d’une image à une autre, d’une œuvre à une autre. Les paons, les corbeaux, les chevaux, les pierres, les arbres, se chargent de maintenir en vie ce mystère. Ils changent de place et se meuvent pour créer ce rythme bien singulier et engendrent une sorte de mécanique fortement poétique dans la peinture de NS. Dans cette mécanique, l’artiste œuvre dans le genre du paysage, sans être une exclusivité. Un paysage hypercoloré, fabriqué de toute pièce, puisant dans la nature des pièces comme un puzzle qu’il re-fabrique en passant par un processus créateur qui met la couleur au centre de ses investigations. La couleur qu’il perçoit dans la nature, il s’enivre à la travailler à la dériver à la multiplier pour enfin la répandre dans une atmosphère presque artificielle, à la manière d’un décor d’une scène de cinéma.
Les formes de la nature deviennent le matériau de travail de l’artiste, l’outil de création de sa plasticité. Des pierres jaunes, rouges, bleues, appellent des tortues aux carapaces des mêmes couleurs, arbustes pourpre, des nuages aux allures de flaque d’eau.
Et, ici, au-delà du paysage comme genre de la peinture revendiquant la dimension sentimentale, il est de par ses composantes mêmes, une esthétique et une plastique; des pierres bleues, un cheval rouge, une tortue multicolore, un arbre jaune ou violet, des arbres qui poussent de l’extérieur, qui, de paysage en paysage le modifient et le modèlent selon où ils se situent. Ainsi la dimension du mystère continue de retentir au fil des œuvres.



Chapitre III : La mise en scène


Le processus de fabrication de l’image picturale prend chez N.S au départ des allures de jeu, d’amusement curieux et de plaisir. IL apprécie particulièrement collecter des images, des objets, des branches, prend des photos comme dans un jeu de piste. Il ne commence à créer son image que lorsqu’il a convenu d’assez d’éléments pour le stimuler. Ce processus permet à l’artiste une connexion latente entre le monde extérieur et sa surface de travail. Il pose ses axes, sa composition, superpose des couches transparentes de couleurs, et dessine les premiers éléments. Petit à petit émerge du sens que seul l’artiste peut appréhender.
Le travail de la lumière est inhérent aux objets, aux personnages et aux éléments qu’il dispose dans la scène d’un tableau; elle est incertaine, volatile et fuyante. La lumière dans le travail de N.S est partout et nulle part. Certes il se construit une atmosphère lumineuse générale et globale, mais chaque élément dégage en lui-même sa propre lumière et c’est ce qui accentue l’aspect anachronique de la narration. On peut être en pleine nuit et avoir des arbres jaune hyper luminescents. On peut être en plein jour et avoir un fond sombre et obstrué. On peut avoir un ciel traversé de vert de jaune et d’orange et avoir une luminosité restreinte. Le travail de la lumière participe à la construction de l’écart entre le réel et la fiction.

Dans « Boomerang » l’espace du tableau est le lieu de rencontre d’oiseaux multicolores avec un cadavre, le lieu de travestissement des guerriers avec des costumes de bal et des masques. L’artiste, par la mise en scène transcende l’horreur et l’effroi contenue dans la situation. Les perroquets, les guerriers, le cadavre, les fusils, les masques sont traités avec la même intensité colorimétrique qui confère un mouvement interne vibrant avec le mouvement suggéré des ailes des oiseaux.

Dans la peinture Mise à Mort, le travail de la mise en scène complexifie et brouille les rapports des deux personnages face à face révolver à la main. Toujours en présence des oiseaux, porteurs de couleurs, les deux personnages portent sur leurs têtes des pots avec des branches qui accueillent des figurines de toutes sortes. Le drame est compromis par l’absurdité de la scène, et le jeu est compromis par les armes. La fiction s’immisce dans le décor et le lieu. Nous somme en intérieur ou en extérieur? Sont-il vivants ou morts?



Chapitre VI : Autofiction, autoportrait


L’autoportrait a toujours été largement présent dans tout le travail de N.S. En posture de témoin, regardeur, artiste à l’œuvre, souvent de dos, s’associant ainsi au spectateur, N.S se met en scène dans ses peinture, parmi ses personnages avec une aisance déconcertante, il exprimer un degré d’engagement, de partie prenante dans l’image qu’il crée et comme acteur aussi de la scène qu’il agence. Il se proclame artiste modèle et spectateur et se revendique en tant que créateur omniprésent.

L’Autoportrait aux fleurs, inaugure cette exposition personnelle et donne le La. Dans des tonalités de vert foncé, le visage auréolé de jaune, l’artiste se fait pousser des fleurs en haut de la tête qui s’allongent jusqu’en haut. Une expression sereine avec les yeux clos, l’artiste se donne le temps de regarder à l’intérieur, son propre intérieur et fusionner avec sa propre nature –sa nature d’artiste- qui est à l’image de la nature multiple changeante, foisonnante et abondante. Cette scène capte tout l’intérêt et souci que l’artiste porte en son intérieur dans le processus de création.

Dans la peinture «Le Rescapé», l’artiste se met en scène dans l’eau tenant une plante la fixant du regard, avec son cheval rouge au milieu du tableau. La statue d’un lion, un branchage élancé et une île déserte –l’Île des Morts d’Arnold Brooklin-. Cette mise en scène avec l’autoportrait est une première pour l’artiste. Il plonge dans l’eau et nage dans les couleurs; il nous pose les éléments d’une autofiction qui le met directement dans le jeu. L’artiste se met en scène en tant que rescapé de l’île des morts avec pour seule trophée une plante.

L’autofiction est d’une manière ou d’une autre une tentative de se dérober à ce qui nous rend mort et de se lancer dans ce qui nous met en vie.




Chapitre V : Sur le chemin de Stevenson


Dans un dialogue avec Stevenson, N.S fait revivre son âme d’enfant; dans la seule optique d’expansion de son être pictural. Une âme d’enfant qui s’empare de tous ses sens et laisse place à une liberté absolue à la configuration des scènes, à la palette, à la forme et à l’expression. L’artiste a pu apprécier étant enfant, l’île au trésor et étant adulte il a pu jouir de sa portée magistrale.

L’île au trésor de Stevenson parait comme le lieu de rendez-vous de l’artiste avec l’expansion de son expression, exprime un moment clé que peut vivre un enfant quand il passe de la télé en noir et blanc à la télé en couleur. C’est ce moment précis d’éblouissement, de fascination, mêlé de surprise de plaisir et d’exhalation devant cette mutation de l’absence de couleur à l’abondance de celle-ci. A travers les pirates, empruntés au dessin animé, ou la tortue multicolore qui transporte la carte du trésor sur sa carapace, ou les perroquets, l’artiste réitère son âme d’enfant et laisse s’exprimer une liberté absolue et sans limites dans la forme, dans la palette, dans la configuration des scènes.

Un rubix cube, un vieillard, un chien et deux arbres jaunes dans un cercle de pierres colorées lors d’une cérémonie nocturne probablement sur l’île où se trouve le trésor dégage une telle puissance une telle vigueur de par sa cohésion et son dynamisme qu’il n’y a qu’une âme d’enfant qui peut la concevoir. Une âme d’enfant aiguisée par le savoir d’adulte et la conscience d’un créateur.

L’île au trésor est le lieu des coulisses, le lieu où l’artiste porte son désir créateur le lieu de la stimulation et de la simulation des scènes. On est loin des anciens personnages de l’artiste ; des météques, des chauves primitifs tout nus qui trainent leurs destins tragiques. Dans l’île au trésor il n’y a pas de tragédie, ni comédie ni drame d’ailleurs. Tous ces attributs ont été transcendés par le pouvoir de la couleur qui se diffracte et se fractionne et du génie de la mise en scène qui extrait la fiction au réel. Les personnages se détachent du mouvement de la scène, ils savent qu’ils sont là pour le moment de la scène et à tout moment ils peuvent être ailleurs.